PERFECTIONNISME : SIGNES, RISQUES ET STRATÉGIES POUR GÉRER
« Je ne suis pas perfectionniste. Si j’attendais la perfection, je n’écrirais jamais un mot. » [traduit de l’anglais]– Margaret Atwood
Il est facile de convenir que des difficultés tels que la dépression ou l’anxiété sont des problématiques qu'il faut adresser. Mais nombreux sont ceux qui ne voient pas de mal à la quête de la perfection.
Si vous êtes comme la plupart des gens, vous passez des heures chaque jour à visionner des vidéos et photos qui mettent en valeur la perfection. En voyant le succès des vedettes, athlètes et personnalités sur les médias sociaux, on se demande alors si les tendances perfectionnistes peuvent vraiment être si terrible pour nous. En fait, c'est tout le contraire.
Dans cet article nous détaillerons ce qu'est le perfectionisme , quels sont les symptômes et quelles approches peuvent être utilisées pour gérer.
Qu’est-ce que le perfectionnisme?
Le perfectionnisme est un trait de personnalité qui va au-delà de l’établissement de normes élevées pour soi-même; c’est un effort intense pour répondre à ces normes, souvent en liant sa propre valeur à eux. Et bien que beaucoup confondent la perfection avec l’excellence, il y a une différence distincte entre les deux.
L’excellence est une poursuite louable d’être au-dessus de la moyenne, favorisant la croissance personnelle. À l’inverse, le perfectionnisme place la barre si haut que tout ce qui n’est pas parfait devient intolérable, même en suscitant des sentiments d’infériorité ou de dégoût de soi.
Il existe trois sous-types de perfectionnisme.
1) Perfectionnisme orienté vers soi
Perfectionnisme orienté vers soi est mieux compris comme une pression interne pour être impeccable. Ceux qui montrent ce trait fixent des normes élevées pour eux-mêmes accompagnées d’un sens sévère de l’autocritique et du discours intérieur négatif.
L'échec personnel, en particulier dans les situations importantes, peut conduire à une vague de pensées auto-critiques comme, « À quoi pensais-tu, idiot? » ou « Comment as-tu pu faire une telle erreur? Je suis un échec! »
Un exemple frappant de perfectionnisme orienté vers soi dans le contexte du travail s'est passé pendant le Miami Open de 2008. Dans un moment de frustration intense, l'athlète Mikhail Youzhny s’est frappé violemment avec sa raquette après avoir raté une balle.
2) Perfectionnisme socialement prescrit
Perfectionnisme socialement prescrit provient de la croyance que la société attend de vous que vous soyez sans faille. Ces perfectionnistes sont susceptibles de ressentir quotidiennement des sentiments d’infériorité, de honte et de rancune.
Une étude note une augmentation de 40% du perfectionnisme socialement prescrit depuis les années 1980., en particulier chez les jeunes adultes. C’est sans aucun doute grâce à la vague incessante de vies « parfaites » sur les médias sociaux, associée aux pressions croissantes pour réussir au travail et à l’école.
Le perfectionnisme prescrit par la société est particulièrement alarmant en raison de sa forte corrélation avec des problèmes de santé mentale négatifs, tels que la dépression et l’anxiété.
3) Perfectionnisme axé sur les autres
Perfectionnisme axé sur les autres consiste à projeter ses propres tendances perfectionnistes sur les autres. Un exemple classique est ce qu’on appelle communément tiger parenting, où les parents établissent des attentes excessivement élevées pour leurs enfants.
Les personnes ayant cette caractéristique peuvent exprimer ouvertement leurs attentes et indiquer rapidement quand les choses dévient de leur plan envisagé. C’est semblable à ce que Freud a décrit comme une « projection », où l’aspiration interne à la perfection est externalisée.
Une personnalité connue souvent associé à ce trait est Steve Jobs, dont les normes impossibles étaient non seulement pour lui-même, mais aussi pour ceux qui l’entouraient.
Quels sont les signes du perfectionnisme ?
Bien que souvent masqué comme un trait louable, le perfectionnisme peut se manifester par divers comportements qui pourraient entraver la croissance personnelle et le bien-être. Reconnaître ces habitudes perfectionnistes est la première étape vers la compréhension et la gestion de ce trait complexe.
- Procrastination – Retarder les tâches de peur de ne pas atteindre la perfection, puis passer trop de temps sur la tâche une fois commencé.
- Difficulté à reconnaître quand s’arrêter – Ajuster ou refaire continuellement les tâches pour obtenir le résultat « parfait ».
- Évitement - Éviter de nouvelles expériences ou de nouveaux défis par peur de ne pas être parfait.
- Réaction excessive aux erreurs – Magnifier la signification des erreurs, conduisant à une autocritique excessive ou à la culpabilité.
- Ne pas faire de son mieux – Retenir les efforts dans des situations difficiles pour protéger son image.
- Autocritique excessive – Se juger sévèrement pour ne pas répondre à des normes élevées.
- Grande sensibilité aux critiques – Percevoir la rétroaction ou la critique constructive comme une attaque personnelle.
- Pensée tout-ou-rien – Perception des situations en noir et blanc, sans nuance ou compromis.
Procrastination
L’un des signes paradoxaux de la pensée perfectionniste est procrastination. Alors que les perfectionnistes sont souvent considérés comme diligents et travailleurs, la peur intense de ne pas répondre à leurs propres normes élevées peut les conduire à retarder ou même à éviter les tâches.
Cet évitement n’est pas dû à la paresse, mais plutôt à une peur écrasante de l’échec potentiel ou de la critique.
Évitement
La peur de l’imperfection peut être si intense qu’elle dissuade les perfectionnistes d’essayer de nouvelles choses. Ils peuvent éviter de nouvelles expériences, tâches ou défis parce que l’incertitude du résultat semble menaçante.
Réaction excessive aux erreurs
Tout le monde fait des erreurs, mais même des erreurs mineures peuvent sembler catastrophiques pour les perfectionnistes. Ils ont tendance à magnifier la signification de leurs erreurs, conduisant à une autocritique excessive, la culpabilité et même la honte. Cette sensibilité accrue peut entraver leur capacité à surmonter des défi.
Quels sont les risques du perfectionnisme ?
La littérature et le cinéma ont longtemps mis en évidence les risques d’un perfectionnisme incontrôlé. Il suffit de regarder l’obsession de Gatsby pour un passé idéalisé ou les récits obsédants de films comme « Black Swan » et « The Prestige », et vous verrez que la pensée perfectionniste a un coût immense.
Certains risques du perfectionisme documentés comprennent
- Atteinte de l’estime de soi – Ne pas toujours répondre à ses propres attentes élevées et irréalistes peut miner son estime de soi. Les perfectionnistes connaissent souvent de grandes fluctuations dans l’estime de soi liées à leur sentiment d’accomplissement perçu.
- Frustration fréquente – La poursuite constante de la perfection conduit souvent à des sentiments récurrents de déception et de frustration. Les perfectionnistes sont rarement satisfaits de leurs accomplissements.
- Mauvaise performance – La peur paralysante de l’imperfection peut entraîner l’évitement des tâches, conduisant à une procrastination extrême et, finalement, à un mauvais travail ou à un rendement scolaire médiocre. L’évitement peut également apparaître dans d’autres domaines de performance tels que chez les athlètes, les rôles parentaux et les relations sociales.
- Diminution de la productivité – Ironiquement, alors que les perfectionnistes sont connus pour leur travail acharné, ils se poussent souvent au bord de rendements décroissants. Leur vie peut ressembler à une course sans fin sur un tapis roulant implacable.
- Dépression et anxiété – Une étude axée sur les étudiants collégiaux a démontré que les formes adaptatives et inadaptées du perfectionnisme sont liées à une augmentation des symptômes de dépression et d’anxiété. Le fait de ruminer, ou de réfléchir continuellement à la détresse, a été identifié comme un facteur important dans cette relation.
Comment surmonter le perfectionnisme?
Surmonter le perfectionnisme ne consiste pas seulement à lâcher prise, mais à adopter une nouvelle façon de penser. Voici quelques conseils pour aborder le perfectionnisme de front.
- Prendre conscience de sa procrastination
Identifier les tendances de procrastination est la première étape pour répondre aux craintes sous-jacentes et prendre des mesures proactives pour aller de l’avant. Essayez de reconnaître quand vous retardez des tâches par peur de l’imperfection.
- Surveiller votre voix critique
Écoutez votre dialogue intérieur. Si vous vous critiquez constamment vous-même ou si vous établissez des normes irréalistes, remettez ces pensées en question. Remplacez-les par un discours intérieur plus équilibré et compatissant. Essayez un mantra comme, « Tout le monde fait des erreurs, je ne suis pas différent(e) »
- Tolérance des erreurs
Comprenez que les erreurs font naturellement partie de la croissance et de l’apprentissage. Au lieu de vous attarder sur les erreurs, concentrez-vous sur les leçons qu’elles offrent. Acceptez les échecs comme des tremplins vers le succès. Au fil du temps, vous formerez votre cerveau pour avoir un état d’esprit de croissance plutôt qu’un état d’esprit tout ou rien.
- Prendre soin de soi
Les perfectionnistes sont connus pour travailler tard le soir, sauter des repas et mettre leurs besoins de base de côté pour atteindre leurs objectifs. Que ce soit en prenant des pauses, en s’adonnant à des loisirs ou simplement en dormant suffisamment, combattez le stress du perfectionnisme en prenant le temps de prendre soin de vous.
- Adopter la pleine conscience
En vous concentrant sur le « maintenant », vous vous débarrassez des erreurs du passé et des angoisses futures, ce qui vous permet d’aborder les tâches avec un esprit clair. Les pratiques de pleine conscience, telles que la méditation et les exercices de respiration profonde, peuvent vous aider à vous ancrer dans le moment présent et à lâcher la peur de l’échec.
La psychothérapie peut-elle aider à traiter le perfectionnisme ?
La psychothérapie est un outil précieux pour aborder et gérer les tendances perfectionnistes. Si vous ou un proche ressentez les effets débilitants du perfectionnisme, voici deux formes de psychothérapie qui peuvent vous aider.
La thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
La TCC aide les individus à identifier les schémas de leurs pensées, croyances et comportements perfectionnistes. Une fois ces modèles reconnus, les techniques de TCC aident à remettre en question et à recadrer ces croyances souvent irrationnelles.
Par exemple, la croyance que « tout ce qui n’est pas parfait est un échec » peut être restructuré par « faire de mon mieux suffit. »
La TCC introduit également des stratégies comportementales pour briser le cycle des actions perfectionnistes. Cela peut inclure l’établissement d’objectifs réalistes, la pratique de la compassion envers soi ou la confrontation plutôt que d’éviter les tâches qui déclenchent des tendances perfectionnistes.
Thérapie familiale
Le perfectionnisme chez les jeunes peut parfois avoir ses racines dans la dynamique familiale. La thérapie familiale explore ces origines, explorant les modèles, les attentes et les interactions qui pourraient contribuer aux comportements perfectionnistes d’un individu.
Cette approche collective garantit que la famille devient un environnement favorable, favorisant des croyances et des comportements plus sains. La thérapie familiale peut également fournir aux membres de la famille des outils de communication pour exprimer leurs attentes de manière plus constructive, réduisant ainsi les pressions qui pourraient alimenter les tendances perfectionnistes.
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Foire aux questions
Quelle est la différence entre le TOC et le perfectionnisme ?
Bien que le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et le perfectionnisme impliquent des désirs intenses d’ordre et de précision, ils proviennent de motivations différentes et se manifestent différemment :
- Le TOC est un trouble de santé mentale caractérisé par des pensées répétitives indésirables (obsessions) et des comportements (compulsions) que les individus se sentent poussés à exécuter. Les compulsions sont souvent effectuées pour soulager la détresse causée par les obsessions. Par exemple, une personne atteinte de TOC peut vérifier à plusieurs reprises si la porte est verrouillée en raison d’une peur irrationnelle d’une introduction par effraction.
- Le perfectionnisme, d’autre part, est un trait de personnalité où les individus fixent des normes excessivement élevées pour eux-mêmes. La volonté d’atteindre ces normes est souvent liée à leur estime de soi. Un perfectionniste peut relire un courriel plusieurs fois avant de l’envoyer pour s’assurer qu’il est « juste », pas nécessairement en raison d’une crainte précise, mais parce qu’il veut qu’il soit parfait.
Quels sont les signes et les symptômes d’un perfectionniste?
Les perfectionnistes présentent souvent une gamme de comportements et de schémas de pensée, notamment :
- Procrastination: Retarder les tâches par peur de ne pas les faire parfaitement.
- Réticence à déléguer : Croyant qu’ils sont les seuls à pouvoir accomplir les tâches requises.
- Grande sensibilité aux critiques: Prendre la rétroaction personnellement ou la voir comme une attaque directe sur leurs capacités.
- Pensée tout-ou-rien: Perception des situations en noir et blanc, sans nuance ou compromis.
- Autocritique excessive: Se juger soi-même sévèrement lorsqu'on n'atteint pas nos standards irréalistes.
- Évitement: Éviter de nouvelles expériences ou de nouveaux défis par peur de ne pas être parfait.
Y a-t-il des affirmations utiles pour les perfectionnistes?
Les affirmations peuvent être un outil puissant pour remodeler les schémas de pensée. Voici quelques affirmations adaptées aux perfectionnistes :
- « Je suis assez comme je suis. »
- « Le progrès est plus important que la perfection. »
- « Je libère le besoin d’approbation et embrasse mon moi authentique. »
- « Les erreurs font naturellement partie de la croissance et de l’apprentissage. »
- « Je suis digne d’amour et d’acceptation, peu importe mes réalisations. »
- « Je choisis de me concentrer sur mes forces et de célébrer mes victoires, peu importe leur taille. »
- « La perfection n’est pas le chemin du bonheur; être fidèle à moi-même l’est. »
Les enfants et les adolescents peuvent-ils aussi avoir des traits de perfectionnisme ?
Oui. Le perfectionnisme peut commencer tôt, mais est généralement plus reconnaissable dans les années pré-adolescentes et adolescentes. Les enfants et les adolescents avec des parents qui ont eux-mêmes des traits perfectionnistes ou qui sont très concentrés sur la performance (généralement académiques ou dans le sport) sont les plus susceptibles de développer et de montrer ces traits tôt.
En somme
Perfectionism can lead to increased stress, anxiety, and a fear of failure, impacting mental well-being and hindering productivity. Seeking support through therapy, practicing self-compassion, and setting realistic goals rather than pursuing flawless outcomes can help manage perfectionism, fostering a healthier mindset and promoting personal growth.
Dre Stéphanie L. Léon
Dre Leon est psychologue et neuropsychologue clinicienne qui pratique en Ontario et au Québec. Elle travaille avec les enfants, adolescents et adultes pour aborder les difficultés émotionnelles, comportementales et cognitives. Clinique de psychologie Léon
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